D’après l’OMS, en 2020, une personne sur quatre ne disposait d’aucun accès à une eau potable depuis son domicile. Cette donnée alarmante montre l’urgence d’agir mais aussi de sensibiliser sur l’accès à cette ressource vitale. Pour analyser cette urgence et tenter de décrypter les enjeux qui en découlent, j’ai donné la parole à Mamane Yezid Ahamadou Mani, ingénieur en génie civil spécialisé en eau et assainissement. Acteur humanitaire engagé et intervenant principalement en Afrique de l’Ouest, Mamane Yezid s’est, au fil du temps, spécialisé dans l’accès à l’eau et l’assainissement auprès des populations déplacées. 

Le stress hydrique

On parle de stress hydrique lorsque les besoins en eau dépassent les ressources disponibles et d’après l’OMS, d’ici à 2025, plus de la moitié de la population mondiale devra composer avec cela. L’accès à ce qu’on appelle désormais “l’or bleu” est une problématique telle que les Nations Unies ont décrété le 22 mars comme étant la journée mondiale de l’eau afin de sensibiliser les acteurs étatiques à cette disparité mais ont également placé cette thématique au coeur des Objectifs de développement durable avec pour but de garantir, d’ici à 2030, un accès équitable pour tous à une eau potable à moindre coût. Pour aller plus loin et donner davantage de précision sur le stress hydrique, on mesure cela en fonction des besoins en eau et des ressources disponibles, par an et par habitant. En fonction de la quantité d’eau potable disponible, on parlera alors de pénurie ou même de rareté de l’eau

Les conséquences de cet accès inéquitable sont nombreuses et amènent les populations à limiter leur usage d’eau ou à avoir recours à des eaux en surfaces ou en sous-sol contaminées et non traitées (cours d’eau, mare, nappe phréatique etc.). Quant aux causes elles sont aussi diverses, il y a en premier lieu l’absence d’infrastructures adaptées mais aussi le réchauffement climatique qui impacte directement sur le cycle de l’eau et rend difficile son accès. Cela se traduit par des périodes de sécheresse, des précipitations faibles ou absentes, le tarissement des quelques sources d’eau potable disponibles etc. Et comme le souligne Mamane Yezid, cette disparité est encore plus visible dans les régions où les conditions climatiques ne sont pas favorables, comme au Sahel par exemple. D’ailleurs, il appuie cela avec une anecdote de terrain où lors d’une intervention en 2020 à Dibissi, au Burkina Faso, il a constaté l’évaporation totale d’un point d’eau utilisé par les populations. Il constate également des phénomènes similaires dans le Liptako Gourma, région à cheval sur le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

 

Les maladies hydriques

L’absence d’accès à une eau potable n’impacte pas seulement le quotidien des personnes mais cela va également avoir une importante répercussion sur leur santé. Il est alors question de maladies hydriques comme le choléra, le paludisme, les infections urinaires ou encore la diarrhée.

Ces maladies, parfois mortels pour les plus fragiles, sont dues à la consommation d’une eau insalubre suite à la contamination des points d’eau utilisés par les populations mais également des sols (activités agricoles, défécation à l’air libre etc.). C’est d’ailleurs ce que Mamane Yezid a pu constater lors d’une mission terrain au Sahel en 2020. Il s’est avéré qu’une bonne partie de la population sur place souffrait d’une infection urinaire, les plus jeunes également. Et en cause, l’eau insalubre consommée.

 

Eau et discrimination

Mamane Yezid souligne également les conséquences de cette disparité pour certaines catégories de personnes : femmes et jeunes filles, personnes âgées, personnes à mobilité réduite ou encore les populations déplacées. Elles sont davantage impactées puisque leurs conditions et leur place dans la société rendent encore plus difficile l’accès à l’eau. Les femmes par exemple sont souvent affectées à la tâche de récolte de l’eau. Avec l’absence de points d’eau adaptés, sécurisés mais surtout à proximité, elles sont amenées à parcourir quotidiennement un certain nombre de kilomètres tout en portant de lourdes charges. Et ce, plusieurs fois par jour. Les populations déplacées sont aussi fortement impactées puisque les camps d’accueil, mis en place d’urgence, sont bien souvent dépourvus d’installations adaptées et durables.

 

Face à ces importantes disparités, la solution est l’installation d’infrastructures hydriques mais également la réhabilitation d’ouvrages déjà existants, garantissant un accès constant et sécurisé à une eau consommable. Pour aller plus loin, nous savons que dans l’action humanitaire, l’eau va de pair avec l’assainissement. On utilise d’ailleurs le terme WASH (water, sanitation and hygiene) en anglais et EAH (eau, assainissement et hygiène) en français. Il est ici nécessaire de rappeler qu’en plus de permettre un accès à une eau potable, les populations doivent également bénéficier de conditions d’assainissement et d’hygiène appropriées et dignes. Cela car il existe également de fortes disparités à ce niveau-là : accès à des sanitaires, hygiène menstruelle etc.