Peu importe leur domaine d’intervention, les travailleurs et travailleuses humanitaires sont amenés à se rendre sur le terrain à plusieurs reprises. Ces missions peuvent parfois s’avérer périlleuses de par la distance mais aussi les conditions d’accès difficiles dans certaines zones reculées. Pour échanger sur ce sujet, j’ai eu le plaisir d’interviewer Jérémie Thirion, infirmier avec une spécialisation en médecine tropicale et Président d’Amoddou. Cette ONG franco-suisse a pour mission d’organiser des caravanes médicales à destination de population vivant dans des zones isolées et à faible densité de structures médicales. Amoddou se donne aussi comme objectif de former le personnel soignant sur place mais aussi d’apprendre de lui.

Aller là où les autres ne vont pas 

Ce choix est lié à un triste constat, celui que les personnes situées dans des zones reculées sont malheureusement isolées de nombreuses infrastructures auxquelles nous avons régulièrement recours. Ce qui les amène, par conséquent, à être isolées de toute forme de service de santé essentielle. S’ajoute à cela le système de santé parfois fragile de certains pays mais aussi et surtout le manque de moyens financiers pour y accéder. On arrive très rapidement à des situations où les populations sont malheureusement dans l’impossibilité d’être sensibilisées à certaines maladies, de se faire dépister mais aussi de pouvoir bénéficier d’un suivi médical. C’est pour tenter de remédier à cela qu’Amoddou cible des zones géographiques reculées de sorte à pouvoir y intervenir pour mettre en place ses actions itinérantes.

Amoddou souhaite également laisser une trace après son départ car l’ONG a conscience que ses actions peuvent être limitées. Et pour cela, elle met en place un volet formation et des actions de prévention sur la santé. Ces actions permettent à Amoddou d’avoir un indicateur sur l’état de santé des régions où elle intervient. Pour sa dernière mission, l’ONG a réalisé des actions de sensibilisation sous forme d’animation auprès des plus jeunes autour de l’hygiène dentaire. Elle a aussi mis en place des actions de sensibilisation autour du lavage des mains compte tenu de l’actualité liée au coronavirus. L’idée était aussi d’échanger avec les soignants locaux sur les différents vecteurs de transmission des maladies ce qui permet par exemple à ses équipes de découvrir des pathologies auxquelles elles n’ont pas l’habitude de faire face.

L’idée est de faire un partage de connaissances avec notre équipe et l’équipe des soignants locaux.

Préparer la mission

Il faut noter qu’Amoddou fait le choix d’intervenir bénévolement mais aussi uniquement sur sollicitation d’une structure locale. Cela afin que ses actions puissent être adaptées aux besoins identifiés. C’est ainsi qu’elle a pu réaliser différentes missions, comme au Maroc en 2017 et tout récemment en Guinée, en mai 2022.

Et qui dit mission de terrain, dit préparation. Et cela passe obligatoirement par une évaluation de l’environnement d’intervention. Lors de sa dernière mission en Guinée, Amoddou a procédé à une évaluation à distance et pour cela elle a récolté des données et statistiques faisant état des pathologies présentes mais aussi des infrastructures sanitaires et médicales présentes sur place (centres médicaux, hôpitaux etc.). Elle a aussi pris le temps d’échanger avec les soignants locaux. Se préparer en amont a pour objectif d’identifier les problématiques de santé et les besoins majeurs afin de mettre en place une équipe de soignants en capacité de proposer des consultations et des soins adaptés.

S’ajoute à cela la préparation logistique du matériel nécessaire pour mener à bien les actions auprès des populations mais aussi pour permettre aux équipes de les réaliser dans de bonnes conditions. Et pour cela, Amoddou mise sur l’autonomie afin de ne pas empiéter sur les réserves locales. Les équipes disposent de leurs propres tentes et moustiquaires et s’installent dans les villages où les consultations ont lieu. Elles ont aussi leurs propres réserves de nourriture et utilisent un purificateur d’eau ORISA® pour réduire leur impact en déchet.

 

Des conditions de travail difficiles ? 

Les régions isolées rendent l’accès des travailleurs et travailleuses humanitaires difficiles car en plus de la distance, les routes et chemins ne sont pas forcément adaptés. À cela s’ajoutent les conditions climatiques qui peuvent aussi impacter les conditions de travail (fortes pluies ou à l’inverse forte chaleur, humidité etc.). L’isolement est aussi un aspect à prendre en compte car cela nécessite d’être en totale autonomie comme l’a souligné Jérémie. Et pour se préparer à toutes difficultés, il faut anticiper les scénarios possibles et à l’inverse accepter que des imprévus puissent se produire. Ce qui amène à faire preuve d’adaptabilité et de flexibilité en permanence.

Travailler dans un contexte comme celui-ci nécessite, en plus de compétences professionnelles précises, des qualités humaines permettant une meilleure adaptabilité comme l’affirme Jérémie. Les travailleurs et travailleuses humanitaires se doivent de faire preuve de savoir-être pour prendre en compte les possibles différences culturelles dans leurs interventions. Ils doivent aussi être en capacité de travailler sous la pression et avec un rythme soutenu. D’autres difficultés s’ajoutent à cela comme le fait d’avoir un confort rudimentaire mais aussi peu d’heures de récupération entre les déplacements.

Autre point non abordé durant l’échange avec Jérémie, c’est la sécurité. Au-delà des conditions citées plus haut, les travailleurs et travailleuses humanitaires peuvent faire face à d’autres dangers liés à l’environnement : conflits armés, menaces et risque d’enlèvement etc. D’ailleurs, la journée mondiale du 19 août célèbre leur engagement et salue la mémoire de ceux qui ont perdu la vie au cours de leur mission.