Lors de la mise en place d’un projet humanitaire, les acteurs de terrain n’omettent aucun aspect. L’ensemble des volets, de la phase de diagnostic jusqu’à l’évaluation de projet, sont minutieusement étudiés. Toutefois, un point se retrouve parfois non pris en compte malgré l’importance qu’il peut relever dans certains contextes. Il s’agit ici de la santé mentale et de son impact sur des communautés accompagnées dans des environnements parfois très difficiles. Pour aborder en détail cela, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Gérard Zra, travailleur humanitaire spécialisé en santé mentale et intervenant dans la région de l’Extrême-Nord au Cameroun. Son expérience auprès de populations fragilisées par des crises ne fait que confirmer l’urgence d’intégrer ce volet dans les actions humanitaires. 

Qu’est-ce que la santé mentale ?

L’OMS définit la santé mentale comme “un état de bien-être mental qui nous permet d’affronter les sources de stress de la vie, de réaliser notre potentiel, de bien apprendre et de bien travailler, et de contribuer à la vie de la communauté.” Et à cette définition, Gérard ajoute que malgré le travail de sensibilisation qui peut être fait sur ce sujet, la santé mentale reste une thématique bien souvent mise à l’écart car assimilée à la folie dans certaines communautés. 

 

L’importance de la santé mentale

Gérard souligne que chaque crise humanitaire engendre des conséquences, dont des traumatismes impactant la santé mentale. Ne pas prendre en compte ces effets sur les individus, et de façon plus globale sur la communauté, ne fait qu’accélérer la détérioration de leur santé mentale déjà compromise par un environnement instable. Et son expérience de terrain ne fait que confirmer cela.

 « Ignorer la santé mentale des populations accompagnées peut entraîner une détérioration de leur bien-être psychosocial et augmenter des troubles mentaux non traités. »

Gérard Zra 

Parmi ces conséquences de la non-prise en compte de la santé mentale, comme le met en avant Gérard, il y a le syndrome de stress post-traumatique ou encore l’augmentation des troubles mentaux avec des individus qui se retrouvent non diagnostiqués et donc non traités. Et pour cause, les ONG ont tendance à prioriser l’apport de solutions répondant aux besoins primaires. Négliger, volontairement ou non, la santé mentale des communautés engendre l’incapacité pour les individus de se reconstruire et de se réintégrer en période de post-crise. Ce qui laisse la porte ouverte à une non-adhésion aux solutions qui pourraient leur être apportées en ce sens.

À l’inverse, et en prenant l’exemple d’un programme d’assistance d’urgence auprès de déplacés suite à un conflit armé sur lequel il a pu travailler, prendre en compte la santé mentale des communautés permet à ces dernières de favoriser leur résilience et leur reconstruction

 

Prendre en compte la santé mentale des minorités

Prendre en compte la santé mentale se fait à plusieurs niveaux, et avant tout, directement auprès des populations concernées comme le soulève Gérard. Cela peut passer par des consultations des besoins collectifs, mais aussi individuels, pour apporter une assistance adéquate. Il prend ici l’exemple des enfants qui sont tout aussi confrontés à des violences psychologiques, suite à une crise vécue, mais qui ne sont toutefois pas en capacité de s’exprimer comme des adultes en mettant des mots sur leurs maux. Dans ce cas de figure, la consultation de leur état psychologique passe par des jeux éducatifs, appelés des activités socio-récréatives, permettant d’identifier leurs besoins en accompagnement et renforcer leur bien-être. Gérard souligne également la particularité de la parole des femmes qu’il est difficile d’avoir dans certains contextes, et donc, la nécessité de mettre en place des activités permettant d’instaurer un climat de confiance et de liberté totale dans l’échange. 

 

 

Comme le rappelle Gérard tout au long de la discussion, la santé mentale ne doit pas être vue comme un projet mais bel et bien comme une action transversale à intégrer à l’ensemble des réponses humanitaires. Et ne pas assimiler cela amène bien souvent à une inadéquation avec les réalités du terrain engendrant des risques pour la viabilité du projet, son impact et sa durabilité auprès des populations concernées. Les ONG se doivent donc d’assimiler urgemment ce volet, et surtout, ne pas le voir comme une contrainte ou une thématique optionnelle.