Informer le grand public sur le travail des ONG est nécessaire mais non sans difficultés. Cela car les images prises sur le terrain peuvent, bien qu’illustrer de façon forte un sujet, être très difficiles à regarder voire atteindre la dignité humaine des personnes photographiées et filmées. Comment donc continuer de couvrir un sujet, d’informer et sensibiliser tout en ayant une approche éthique ? Pour échanger sur ce sujet, j’ai eu le plaisir d’interviewer Ariadna Recasens Quiles, professionnelle de l’audiovisuel mettant ses compétences au service d’ONG et fondatrice d’Humaid Communication. Sa vision de la communication fait d’Ariadna une professionnelle qui met l’humain au centre de ses réalisations. 

Respecter la dignité humaine de chacun

Ariadna introduit le sujet en soulignant que chaque être humain à le droit au respect et à la considération et par conséquent, au respect de sa dignité. Elle ajoute à cette nécessité le droit de chacun de jouir des droits humains comprenant le droit à la vie, le droit à la santé ou encore à l’accès à l’éducation qui font défaut aujourd’hui encore à de nombreuses personnes à travers le monde. Ariadna rappelle également que pour travailler dans l’humanitaire, le respect de ces droits doit être acquis et mis en œuvre dans le travail et le comportement de chacun. 

 

Une communication sensationnelle

Pour informer, certaines ONG n’hésitent pas à avoir recours à une communication choc en mettant en avant du contenu pouvant heurter la sensibilité. Cela est souvent le cas lors de conflits armés, d’épisodes de famine ou encore de déplacements massifs de populations et nous avons déjà tous pu voir ce type de campagne. Pour Ariadna, il s’agit d’une erreur récurrente qui déshumanise les personnes concernées et amène à s’interroger sur leur droit à l’image et au respect de leur dignité. Elle va plus loin et souligne que ce genre de clichés peut également impacter leur sécurité, mettant fin à leur anonymat et divulguant des informations personnelles dans un contexte où elles ont parfois dû fuir un pays ou une situation dangereuse.

Ariadna souligne également que les ONG ne doivent pas s’arrêter à une simple communication visuelle et doivent accompagner cela de données factuelles illustrant leurs actions. Dans l’intérêt des donateurs mais aussi du grand public qui sera plus à même de comprendre une situation. 

 

Donner la parole aux concernés

Ariadna rappelle que préparer une campagne de communication demande beaucoup de travail et d’anticipation. Il est important de créer un lien avec les individus avant chaque enregistrement, cela afin de ne pas les voir et les traiter comme de simples sujets mais bel et bien comme des personnes entières ayant une histoire à raconter. Et agir ainsi ne peut que faciliter un lien de confiance rendant la prise de parole plus facile et les récits plus authentiques. Elle n’hésite d’ailleurs pas à s’appuyer sur ses propres expériences pour souligner cela et attire l’attention sur la nécessité d’avoir l’autorisation de chacun avant de filmer et prendre des photos et d’informer sur l’objectif de la campagne. 

« C’est vrai qu’il existe des problématiques qui peuvent sembler difficiles mais il y a toujours des moyens créatifs de les aborder de forme positive. »

Ariadna Recasens Quiles

Elle va plus loin et affirme qu’il est important de mettre en avant chaque personne sous un angle positif, de l’humaniser et d’éviter tout sensationnalisme ou misérabilisme. Ariadna souligne également la possibilité, voire la nécessité, d’aller au-delà du récit pour mettre en avant des problématiques invisibilisées. Elle prend l’exemple d’une campagne de sensibilisation sur l’accès à l’eau potable en Mauritanie où la rencontre avec une jeune fille, devant faire plusieurs km aller-retour pour chercher de l’eau, l’a amené à s’interroger sur les problématiques de santé d’une eau non potable ou encore sur l’accès à l’éducation de cette jeune fille assignée à cette tâche de l’eau. 

 

 

Ariadna conclut en affirmant qu’en tant que professionnelle de la communication, son travail est la fenêtre ouverte sur des inégalités et des histoires bien souvent invisibilisées. Cette responsabilité amène donc à devoir s’imprégner du contexte, des histoires de chacun et leur particularité mais aussi et surtout de devoir travailler avec éthique en, comme mis en avant durant l’échange, respectant la dignité de chacun.