Viol, exploitation sexuelle, mariage précoce et forcé, mutilation génitale féminine ou encore exclusion économique et sociale. Voici des exemples de violences sexuelles et basées sur le genre que peuvent subir les femmes, les adolescentes et les filles. Des violences qui sont accentuées en temps de conflit et de crise et qui sont devenues, au fil du temps et de leur répétition, des actes habituels. Pour aborder cela en détail, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Sarah Vandendooren, humanitaire spécialisée dans la protection de l’enfance en situation d’urgence. Ses expériences en zone de conflit l’ont amenée à développer une expertise dans la prévention et la prise en charge des violences sexuelles à l’encontre des filles et des adolescentes. 

Qu’est-ce que les violences sexuelles et les violences basées sur le genre ?

Comme le définit Sarah, on entend par violence sexuelle tout acte sexuel, tentative d’acte sexuel ou comportement infligé sans le consentement de la personne. Cela comprend – entre autres – les agressions sexuelles, l’exploitation sexuelle ou encore les mutilations génitales. Elle souligne également que les violences sexuelles sont bien souvent accompagnées de violences basées sur le genre, allant au-delà des actes de violence sexuelle cités précédemment. Cela peut se traduire par l’exploitation économique ou encore les violences émotionnelles, psychologiques et physiques. Des violences basées sur le genre qui s’inscrivent dans une dynamique de pouvoir et d’inégalité et qui sont bien souvent commises à l’encontre des femmes, des adolescentes et des jeunes filles. Sarah rappelle que même si les filles et les femmes sont disproportionnellement touchées, les garçons et les hommes peuvent également être victimes de ce genre de violence dans des contextes similaires

 

Des violences accentuées en temps de crise et de conflit

Les violences sexuelles et basées sur le genre existent en temps de paix et dans toute société et communauté comme tient à le souligner Sarah. Elles sont toutefois fortement accentuées en temps de crise et de conflit de par l’effondrement de la société, des structures sociales et des services étatiques. Pour illustrer cela, elle prend l’exemple du mariage précoce qui, bien que cette pratique fût préexistante et ait, dans certains cas, disparu, est accentuée lors de contexte de crise et utilisée comme un mécanisme de survie économique. Et pour se rendre compte de l’ampleur de cette pratique, elle rappelle qu’une jeune fille est mariée toutes les 3 secondes. Comme indiqué précédemment, les garçons et les hommes sont également victimes de violences sexuelles. Et dans leur cas, cela a bien souvent lieu lors de leur parcours migratoire et est infligé par des individus en position d’autorité (policier, militaire, passeur, garde-frontière) profitant de leur position de pouvoir, du chaos et de la situation de non-droit qui règnent.

Les auteurs de violences sexuelles et fondées sur le genre à l’encontre des enfants, et en particulier des filles, sont multiples. Parmi eux figurent les parents, les proches, les professeurs, les membres de la communauté, les membres des forces armées, etc. Il est également nécessaire de parler d’une réalité, celle des violences sexuelles commises par des humanitaires profitant des mêmes facteurs mais aussi de la dépendance vis-à-vis de l’aide pour agir avec malveillance. Plusieurs scandales ont d’ailleurs vu le jour et ont montré que ces abus sexuels ont eu lieu dans des contextes de crises comme en Haïti, après le tremblement de terre de 2010, ou encore lors de la lutte contre Ebola en RDC, entre 2018 et 2020. 

Des femmes et surtout des filles davantages victimes

D’après l’UNICEF, plus de 370 millions de filles et de femmes dans le monde ont subi un viol ou une agression sexuelle alors qu’elles étaient enfants. Il est ainsi évident que les principales victimes des violences sexuelles et basées sur le genre sont les femmes et principalement les filles et les adolescentes. Il est d’ailleurs estimé que 99 % des violences sexuelles faites à des enfants ont été perpétrées contre des filles et des adolescentes. Cela est lié à leur double vulnérabilité, celle de leur genre et de leur âge. Sarah souligne qu’elles peuvent, dans certains cas, ne plus être considérées comme des enfants après leur puberté mais restent, d’un point de vue de la législation nationale et internationale, des mineures.

« On appelle les adolescentes les grandes oubliées de l’aide humanitaire. Elles se situent à l’intersection de plusieurs vulnérabilités. »

Sarah Vandendooren

Il devient alors très vite difficile pour elles de se trouver une place dans une société en proie à des crises et où elles sont invisibilisées entre des programmes qui ciblent des enfants plus jeunes et des programmes qui visent des femmes. S’ajoutent à cela les non-dits qui peuvent persister quant à ces violences qui les amènent à garder le silence par tabou ou par peur. L’ensemble de ces facteurs augmente davantage les risques de violences sexuelles qu’elles peuvent subir. 

Accompagner ces filles et ces adolescentes survivantes de ces violences devient alors urgent mais n’en reste pas moins complexe. Les programmes de protection et d’accompagnement doivent être adaptés à leur âge, à leur développement mais aussi aux sévices subis. Le personnel humanitaire doit quant à lui être formé non seulement aux thématiques des violences sexuelles mais aussi au travail auprès d’enfants et de jeunes filles (sur le plan psychologique par exemple). S’ajoute à cela la nécessité de mener un long travail de déconstruction au sein de la communauté où bien souvent, être victime de violences sexuelles mène à une stigmatisation, particulièrement lorsque ces violences concernent des enfants. Stigmatisation qui, rappelons-le, est également présente en temps de paix et dans toute communauté à travers le monde.

L’accompagnement juridique peut également être envisagé mais cela reste là aussi complexe dans un environnement où la prise de parole est taboue et où la société et ses institutions n’existent plus ou sont fragilisées. 

 

 

Comme le souligne Sarah, chaque organisme humanitaire a la responsabilité éthique et opérationnelle de prévenir les violences sexuelles et basées sur le genre. Elle va même plus loin puisqu’en se basant sur son expérience, elle affirme qu’intégrer des programmes de protection de l’enfance, de lutte contre ces violences mais aussi des protocoles de signalement est une action transversale à toute aide humanitaire et ce, peu importe le domaine d’intervention. Il est également à rappeler que donner la parole aux enfants, aux jeunes filles et aux femmes, et les traiter avec dignité, reste un moyen de prévenir l’exacerbation de ces violences quand une crise humanitaire frappe une communauté.

Pour plus d’informations sur les violences sexuelles et basées sur le genre à l’encontre des enfants, des filles et des adolescentes, vous pouvez consulter ce guide de Plan International Belgique.