Comme son acronyme l’indique, une ONG est une organisation non gouvernementale. De ce fait, elle est indépendante de tout État et de toute institution internationale. Elle peut toutefois, et même bien souvent, être amenée à collaborer avec des acteurs étatiques dans le cadre de l’aide au développement. Pour aborder en détail cette relation, j’ai eu le plaisir d’échanger avec Sarah Hassan, consultante en eau et coopération internationale. Ses 13 années d’expérience, notamment au Moyen-Orient et en Afrique, l’ont amenée à échanger avec de nombreux acteurs dont des décideurs locaux et nationaux.
La multiplication des interventions de terrain des ONG a progressivement amené à la pérennisation de leur présence. Et comme Sarah le souligne, si une ONG agit sur un territoire, il est primordial pour elle de prendre en compte l’ensemble des acteurs sur place et les autorités, en tant qu’acteurs, sont concernées. Et si l’ONG fait le choix de ne pas collaborer avec les autorités ou les services déconcentrés de l’État, elle ne sera pas en mesure de s’insérer totalement dans les réponses apportées et ses actions risqueront de ne pas produire les effets positifs escomptés. On comprend donc rapidement que le but de cette collaboration est d’arriver à faire émerger un espace de rencontre organisé où chaque partie apporte une plus-value et dans un objectif commun, accompagner au développement des communautés.
Une fois mises en place, ces collaborations peuvent se traduire de différentes façons. Il est par exemple possible pour l’ONG de faire du plaidoyer, comme l’indique Sarah, auprès des décideurs étatiques locaux en tentant de soulever et d’alerter sur certains sujets comme la défense des droits humains ou encore de l’environnement. Mais ces collaborations peuvent amener à certaines complexités car de par ses missions, l’ONG peut parfois proposer des actions qui sont de l’ordre des services publics.
Comme évoqué précédemment, les ONG peuvent inscrire leurs actions dans le cadre de politiques publiques et indirectement, se retrouver en concurrence avec les acteurs étatiques. Sarah indique que ce genre de situation est davantage accentuée lorsque les autorités nationales ou locales sont fragilisées là où les ONG ont une capacité d’intervenir rapidement. Et ses expériences de terrain n’ont fait que confirmer cela. Elle ajoute également que cette situation amène à une concurrence malsaine car initialement, ce sont les autorités nationales et locales qui sont garantes du bon fonctionnement des services publics. Là où, finalement les ONG devraient être complémentaires avec ces acteurs en appuyant leur rôle et en accompagnant à leur développement, elles viennent finalement se substituer à eux.
Pour éviter cette situation de concurrence, on en revient à la nécessité de collaborer avec les acteurs locaux. Mais quand est-il lorsque l’ONG fait le choix délibérer d’écarter ces décideurs ? Sarah souligne que l’ONG ne peut pas exiger une légitimité dans son intervention sans à son tour reconnaître la légitimité de l’ensemble des acteurs sur place. Et dans ce cas, les risques pour l’ONG sont énormes puisqu’en plus de faire possiblement face à des barrières administratives imposées par les acteurs étatiques, elle peut se retrouver face à une méfiance de la société civile. L’ONG peut également se retrouver sans financement des bailleurs de fonds qui estimeront que sa démarche n’est pas respectueuse des valeurs de la solidarité internationale car elle n’inclut pas toutes les parties prenantes. Et Sarah n’hésite pas à s’appuyer sur ses expériences de terrain pour illustrer cela. Elle prend pour exemple le cas de services réinventés par des ONG parce qu’aucune consultation auprès des autorités locales et coutumières n’a été faite pour faire un état des lieux des actions déjà mises en place.
Collaborer avec les services déconcentrés de l’État ne signifie pas pour l’ONG perdre son indépendance mais à l’inverse, collaborer d’une façon non adaptée pourrait vite amener l’ONG à « faire le mandat » des décideurs locaux ou nationaux. À comprendre, être une caution politique dans les bonnes pratiques comme dans les mauvaises, au risque de perdre des financements publics, sa crédibilité ou un laissez-passer par exemple. En d’autres termes, l’ONG doit s’informer et se former sur les risques de corruption et de clientélisme pour être sûre de ne pas y prendre part et agir ainsi légalement, efficacement et dans l’intérêt des communautés accompagnées.
Quand ça collabore bien et sainement, l’ONG ne va pas dépendre d’un homme politique mais plutôt d’un service public.
Sarah Hassan
Notons donc que pour une collaboration efficace, il faut, comme Sarah tire de ses expériences, une connaissance mais surtout une reconnaissance mutuelle. Et quand elle fait référence à la reconnaissance, il s’agit bel et bien de reconnaître la légitimité de ces autorités locales sans devoir pour autant adhérer complètement à la stratégie de ces dernières. Et une bonne collaboration, motivée par le partage, la communication et la transparence, ne peut qu’aider à mettre en place des actions impactantes dont les effets positifs seront visibles sur le long terme. Au-delà de la finalité du projet, sa bonne gouvernance et la juste implication des autorités locales sont donc tout aussi importantes.
En conclusion, comme Sarah l’indique, ces collaborations doivent accompagner au développement qui passe nécessairement par le renforcement des services publics locaux. Et là doit être le but principal, au-delà des intérêts individuels.