Depuis que je suis dans le monde de la solidarité internationale, j’ai été amenée à travailler et échanger avec plusieurs travailleurs humanitaires. J’ai pu en apprendre beaucoup sur les spécificités locales, les bonnes et mauvaises pratiques mais aussi sur les points de vue de chacun.

Pour vous donner une petite idée de cela, j’ai décidé de lancer une série d’articles et d’épisodes de podcast sur la solidarité internationale vue par les acteurs de terrain. Et pour cette première publication, j’ai eu la chance d’échanger avec Roland Tossou, jeune acteur du développement local au Bénin. Il est passionné par les projets de solidarité internationale en faveur de la santé et de l’éducation en zone rurale. Il est également président de l’association AJEB qui travaille depuis 8 ans à l’amélioration des conditions d’étude des écoliers béninois et au renforcement des capacités des jeunes mais aussi chargé de coopération pour l’ONG La Rescousse qui agit en faveur du développement durable à destination des communautés rurales. Autant dire que Roland est un acteur de terrain !

Toute notre discussion a tourné autour d’un sujet : la solidarité internationale vue par les acteurs du Sud.

Qu’est-ce que la solidarité internationale ?

Ce concept peut être défini comme l’ensemble des actions qui visent à limiter les inégalités entre les pays et les individus de ces mêmes pays en luttant contre celles-ci et en favorisant des actions de développement. Lors de mon échange avec Roland, je lui ai également posé cette question et il a défini cela comme un mécanisme par lequel un peuple vole au secours d’un autre dans la perspective que tous les pays soient sur un même pied d’égalité.

À cela, j’ajouterai que l’on peut identifier de nombreux acteurs de la solidarité internationale, au Nord, comme au Sud : associations, ONGs, État, regroupements de citoyens etc. Et tous sont unis par une même envie de solidarité et d’entraide.

 

Les bonnes pratiques à mettre en place sur le terrain

J’ai fait le choix d’orienter la suite de notre échange sur un thème qui me tient à cœur : l’autonomisation des populations. Et pour Roland les choses sont claires, un projet de solidarité internationale se doit d’inclure les communautés locales. J’ajouterai même qu’il en va de l’éthique du projet mais aussi de son efficacité.

Très rapidement, il met en avant différents mécanismes que les associations et ONGs doivent mettre en place. En premier lieu, il conseille de renforcer les capacités des communautés afin de leur permettre d’initier d’elles-mêmes des actions mais surtout de prendre conscience de leurs ressources locales et de leur potentiel. Et cela passe forcément par des actions de formation et de sensibilisation. D’ailleurs, il considère cela comme une étape importante dans l’autonomisation des populations. Il va même plus loin en conseillant de les laisser assurer la conduite des opérations via différents mécanismes : consultation, intégration, responsabilisation etc. Il en va donc de la responsabilité des acteurs de terrain de mettre en place un environnement favorisant cela et ce, dès les prémices du projet.

À l’inverse, Roland déplore les organismes de solidarité internationale qui sous-estiment la capacité des populations à se prendre en charge et à être acteur du changement. Ce genre de situation amène bien souvent à un projet imposé où les populations n’ont pas leur mot à dire et où, dans certains cas, vont faire état de leur mécontentement, vont faire barrière aux associations et ONGs ou dans d’autres situations,  ne vont pas utiliser volontairement les solutions apportées par les structures (qui ici ne sont pas vraiment des solutions puisque les populations n’ont pas pris part à la réponse apportée). Lui, comme moi, avons déjà fait face à des situations similaires et ses exemples ne manquent pas pour illustrer les retombées négatives de cette mise à l’écart.

La relation Nord-Sud

Notre échange à continuer sur la relation de partenariat entre les acteurs du Nord et du Sud. En tant qu’actrice du Nord, j’ai été amenée à échanger de nombreuses fois avec des acteurs du Sud et bien souvent, la même problématique était mise en avant : la mise à l’écart des associations et ONGs locales. C’est sur ce point que notre échange a continué.

Malheureusement, il existe des situations où les ONGs du Nord, en plus de mettre de côté les populations, écartent également les acteurs du Sud. Remettant parfois en question leur capacité à répondre aux problématiques. Dans d’autres cas, elles vont bien faire appel aux acteurs du Sud mais en favorisant un lien de subordination plutôt qu’une relation de partenariat d’égal à égal. Cela donne des situations où la structure du Nord est le donneur d’ordre et la structure du Sud, l’exécutant. Ce qui peut vite devenir frustrant comme le souligne Roland.

Ces situations restent heureusement minoritaires et de nombreux acteurs, au Nord comme au Sud, alertent sur ces pratiques et soulignent le manque total d’éthique quand on sait que la solidarité internationale prône des échanges égalitaires entre les différents acteurs. D’autant plus que, comme le met en avant Roland, les acteurs du Sud ont une maîtrise et une connaissance des réalités du terrain que n’ont pas forcément les acteurs du Nord. Il ajoute même que ces collaborations, si elles sont égalitaires, sont bénéfiques pour tout le monde car elles renforcent les capacités de chacun et permettent aux populations de bénéficier de projets impactants.

Les acteurs locaux doivent être impliqués dans la phase d’identification des besoins.

Il finit son intervention par un message fort à destination des acteurs du Sud : “À mes pairs, acteurs du Sud, nous avons la capacité d’impulser un grand changement dans nos communautés si nous restons unis et crédibles dans nos différentes actions communautaires. Travaillons à être autonome afin de tirer profit des expériences que nous gagnons à travers la solidarité internationale.

Vous l’aurez compris, les acteurs du Sud sont tout aussi compétents que les acteurs du Nord. Et la relation entre Nord et Sud n’a que des avantages à tirer d’une collaboration mise en place dans les règles de l’art.

 

J’aimerais terminer sur un point évoqué par Roland, à savoir la gratuité des actions. C’est une question qui est souvent débattue entre les acteurs de la solidarité internationale et Roland préconise la fin de cette gratuité. Selon lui, cela permettrait de responsabiliser les communautés mais aussi de limiter ce qui est parfois un moyen de contrôle qui laisse sous-entendre que les populations devraient être reconnaissantes de ce qui leur est offert, peu importe comment cela leur est offert.

 

Faut-il mettre fin à la gratuité des actions de solidarité internationale pour responsabiliser les communautés ?